Hubert Stérin, écrivain, poète, peintre... un artiste.
Hubert Stérin était avant tout un artiste.
Né en 1949, dans une famille nombreuse de la bourgeoisie catholique du Nord de la Frande, Hubert Stérin fait ses études au Collège Saint-Bertin à Saint-Omer et témoigne très tôt d'un goût et d'un don pour le dessin, pour l'écriture. Ce talent ne dérange pas tant qu'on en fait un "passe-temps" : il est l'artiste, le fantaisiste de la famille. Mais il n'est pas question d'en faire un métier, qui ne nourrit pas son homme : les études aux Beaux-Arts qu'il envisage un moment sont impensables.
Il se résigne à faire des études de Droit, mais après avoir obtenu sa licence et travaillé quelques mois dans un cabinet juridique, en province, dans le Sud Ouest, loin de ses habitudes et du connu, il revient très vite à ce qui sera pour lui, toute sa vie, une exigence profonde, sans compromis : être un artiste, et pouvoir partager cette exigence avec d'autres.
Deux paris difficiles...
Il prend son sac et commence par voyager, souhaitant se libérer de toute amarre, faire l'expérience de la solitude et de rencontres non codifiées. Il lit beaucoup qu'il s'agisse de littérature, de philosophie, de politique. Il rencontre des artistes, voit des spectacles, observe le monde et les gens. Il fréquente les cafés où il remplit ses carnets de notes et de portraits croqués au stylo bille.
Il écrit, dessine, rentre à Paris. Il expose, publie un livre de poèmes "Chanson des Heures".
Il cherche la communication, mais ne la trouve jamais à hauteur de ses exigences. Il se tient à distance de la famille, mais se montre très attentif et sensible au monde de l'enfance et aux enfants eux-mêmes.
Néanmoins le sentiment d'être extérieur non seulement au monde, mais aussi à lui-même devient prégnant, angoissant, et ne le lâchera plus.
Il engage un début de psychanalyse, qu'il interrompra, puis reprendra, mais qui ne lui permettra pas de sortir du désespoir dans lequel il est entré. L'alcool devient un compagnon.
Contraint par la réalité matérielle, il travaille quelques années dans les services culturels à Châlons-sur-Marne, puis dans les Hauts de Seine. C'est l'occasion pour lui de rencontrer à nouveau des artistes avec lesquels il noue des liens. Il écrit des romans, des poèmes, des cahiers de notes personnelles. En "intranquillité" permanente, il est à la recherche d'un idéal artistique qui se refuse. Les rejets de publication sont vécus de façon douloureuse et accentuent son désespoir.
Il se remet à la peinture-écriture, interrogeant le rapport entre l'écriture et la peinture : il peint et colle sur des cartons d'emballage, des tissus, des tableaux d'une grande force.
Toujours à la recherche des origines de ce sentiment de non-être, il s'intéresse à la psychogénéalogie et écrit avec Marie Balvet "Le roman familial de Pierre Drieu la Rochelle", puis une étude psychogénéalogique sur Mozart, "Mozart ou la musique amniotique", publiée en 1990 dans "Psychanalyse à l'université".
Il traduit avec un ami argentin, Marcelo Sztrum, un petit texte de fiction d'un auteur argentin lui aussi, Cesar Aira sur Cecil Taylor, jazzman, dans lequel s'exprime toute la solitude de l'Artiste.
Malgré tous ses efforts pour arriver à vivre, la vie est de plus en plus difficile.
Hubert Stérin se suicide en 1992, laissant des oeuvres peintes, écrites, peintes-écrites.
Comme l'évoque Lucien Segura, un peintre de ses amis : "Hubert Stérin vivait dans l'absolu, il était fragile et doutait de tout, de lui ; malgré cette souffrance il voulait dire par l'écrit, le chant, le dessin, la peinture, la poésie, qu'il nous aimait".